C’est à la demande d’un ami péruvien, en charge de responsabilités consulaires, que je souhaite aujourd’hui partager une longue expérience qui me donne peut-être quelques éléments de réflexion à proposer à mes lecteurs. Après avoir connu quelques succès, et de nombreux échecs, quelques règles semblent s’imposer. Les respecter peut donner un espoir de succès.
Ne pas les respecter, sauf chance aussi réduite que de gagner au l
oto, vous garantit l’échec.
Pour exporter, notamment vers les marchés hyper saturés que sont ceux des pays à fort pouvoir d’achat, il faut en avoir vraiment besoin. La démarche coûte cher et est exigeante. En cas de succès, les marges seront finalement assez médiocres en comparaison de ce qu’offrent habituellement les marché domestiques et ceux des pays limitrophes. D’autant plus que les facteurs de production en Afrique ou en Amérique Latine ne sont pas forcément aussi favorables que ceux d’Asie, par exemple.
D’autant plus que nous aurons à faire face à de nouvelles contraintes, chaque année plus exigeantes. Les certifications ISO sont bien connues des industriels concernés ; ils connaissent aussi les certifications privées des grandes chaînes de distribution, type Global Gap, sans oublier les certifications spécialisées qui couvrent à peu près tous les domaines : durabilité, équité, respect de la nature sous toutes ses formes possibles et qui, au total, s’avèrent un peu plus contraignantes chaque année pour concurrencer des productions locales. Expliquer au consommateur européen qu’il doit consommer des légumes péruviens est de plus en plus compliqué !
La première étape de la réflexion stratégique consiste à analyser ce que l’entreprise et ses produits peuvent amener de nouveau et de différent dans l’environnement complexe que nous venons d’esquisser.
Qu’est ce que notre offre apporte au marché en matière d’innovation, de prix, de satisfaction des attentes du consommateur ? Quels sont les arguments qui peuvent inciter le consommateur à tendre la main vers mon produit, l’acheteur de la grande distribution à référencer mon produit ? Entreprendre est toujours une folie à écouter tous les donneurs de conseil qui vous expliquerons la folie de votre projet. Exporter Coca Cola en Europe ou y implanter Mac Donald étaient des non-sens. Pourtant quel succès ! Mais entreprendre coûte que coûte ne sert pas à grand-chose et la cruauté des faits a entrainé nombre d’entreprises à la disparition. Ce n’est pas parce que vous en êtes le producteur, que votre produit est attendu par le Monde entier.
En supposant une réponse positive à ces premières questions, est-ce que l’entreprise aura les moyens de faire face aux exigences de ces nouveaux marchés ?
Ses moyens de productions sont ils adaptés aux volumes demandés ? En général les industriels africains ou sud-américains pensent en palettes, leurs acheteurs, eux, parlent de containers.
Les équipes de management auront-elles la souplesse de comprendre la culture des clients étrangers ? Sauront elles faire face aux exigences de management imposées par ces nouveaux marchés (constance dans la qualité, respects des délais pour ne citer que cela) ?
L’entreprise, enfin, aura -t-elle les moyens humains et financiers de réaliser l’énorme effort que représente cette implantation ? Des semaines de déplacement au long cours, souvent réservés au dirigeant, avec ce que cela représente comme coût de déplacement mais aussi comme éloignement des centres vitaux de l’entreprise. Sans parler du prix des envois d’échantillons, des stands, un site internet, des invitations, un stock, la récupération parfois difficile de créances commerciales avec des opérateurs qui ne sont pas tous d’une correction totale….
Penser à bien mesurer les besoins financiers qu’exigera une implantation au long cours
Considérant toutes ces difficultés, comment l’entreprise peut-elle espérer faire face à ces défis ?
Première solution : regrouper des entreprises de taille et de culture comparable pour atteindre plus rapidement un chiffre d’affaires significatif. L’Italie est sans doute la plus belle illustration du succès international possible de petites et moyennes entreprises du secteur agro-alimentaire. C’est aussi le pays où se sont développés les « consorzi ». Ces consortiums regroupent des entreprises qui mettent en commun leurs gammes de produits, leurs moyens humains de commercialisation, éventuellement leurs capacités logistiques pour s’implanter sur des marchés étrangers. L’acheteur de la chaîne de distribution n’a pas à référencer 10 entreprises mais un seul consorzio qui sait prendre dans ses rayons la place que pourrait occuper une société multinationale. Les frais de stand et de démarchage s’étalent entre toutes les entreprises du consortium qui peut très rapidement s’offrir une organisation commerciale autonome et efficace. L’organisation collective est toujours un exercice difficile, surtout pour des chefs d’entreprises par nature indépendants. Mais si les Italiens peuvent le faire pourquoi d’autres producteurs ne pourraient-ils pas le faire ?
Deuxième solution, créer une marque. Même s’il est toujours difficile d’admettre que le consommateur valorise plus le paraître que le réel, force est de constater que la part « marketing » des produits alimentaires peut aller jusqu’à plus de 40% du prix de vente. On sait les difficultés de revenus des agriculteurs sous toutes les latitudes, On connaît la faiblesse de la valorisation industrielle qui laisse des usines tourner mais ne garantit pas la fortune de ses propriétaires. La vraie richesse – et les multinationales ne s’y trompent pas- est dans la marque.
Deux types de marques doivent être pris en considération car ils permettent une vraie « capitalisation » au profit du producteur :
- Les appellations collectives propres à des groupements de producteurs (sous forme d’Indication Géographique et/ou de marque collective)
- La marque commerciale appartenant à une personne physique ou morale et qui ne peut se référer uniquement à une appartenance géographique.
La rationalité économique qui tend à répartir l’effort publicitaire rejoint la force de l’impact de l’indication géographique pour conseiller de rechercher à créer la marque collective la mieux adaptée.
Enfin, troisième solution, créer une distribution efficace. Il n’est pas suffisant de trouver un distributeur pour vendre. Le distributeur assure une logistique mais se contente de distribuer ce qui lui est demandé. Il est donc nécessaire de garder la maîtrise de la promotion de ses produits en contactant directement les entreprises qui seront au contact des clients finaux et qui s’approvisionneront souvent chez un distributeur. Ne pas oublier dans cette démarche deux points d’appui :
- La clientèle de la consommation hors foyer (HORECA hôtels, restaurants, cafés) est plus diffuse et plus accessible que le monde de la Grande Distribution. Elle peut permettre des tests de marché et des retours d’information particulièrement intéressants.
- Votre communauté nationale dans le pays d’importation peut être un premier marché ; elle peut surtout être le vivier qui permet de trouver les animateurs et animatrices de points de démonstration, voir les vendeurs qui auront une véritable motivation à participer au succès d’une marque de leur pays. On le voit, la démarche d’exportation au long cours ne s’improvise pas. Elle requiert une approche pragmatique qui suppose une connaissance précise du terrain. C’est l’esprit dans lequel notre structure de conseil se propose d’assister sa clientèle.
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